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disoit la Fin, et qu'il l'eust relasché tout à propos pour venir deposer contre luy, à l'heure que les iuges estoient sur son

procez.

Que la Fin estoit sodomite, s'estant serui de Renazé pour cet vsage qu'il estoit sorcier ayant communication avec les diables, et qu'il l'auoit ensorcelé, n'ayant iamais parlé à luy qu'au prealable il ne l'eust baisé à l'œil gauche, l'appellant mon maistre, et estoit ordinairement bouché de son manteau, et qu'il auoit des images de cire parlantes; qu'il estoit faux monnoyeur, et qu'à la vérité il l'auoit voulu suborner infinies fois pour faire des deseruices au roy sans. que iamais il y voulust entendre.

Qu'à la vérité le roy l'auoit infiniement mescontenté, lui refusant Bourg; qu'il auoit creu luy auoir esté promis pár sa Maiesté, et que s'il eust esté huguenot à l'auenture neluy eust-il pas esté refusé; aussi, auoit-il mis dedans Boësse qu'il estoit, ce qu'il recognoissoit auoir aduoué au roy à Lyon; et que ce deplaisir l'auoit porté si auant qu'il auoit esté capable de tout ouyr et de tout faire.

D'ailleurs, que la Fin lui raporta vn jour que le roy parlant de luy et de feu son pere, auoit dit : « Que Dieu lui auoit faict grand' grace de l'oster de ce monde quand il fut tué, et que c'estoit vn seruiteur bien inutile; et de luy, que ce n'estoit pas ce que l'on pensoit, et que ces paroles l'auoient tellement irrité, qu'il eust voulu se faire tout couurir de sang ». A ceste parole, M. le

chancelier luy demanda du sang de qui il desiroit se couurir?« Du mien, dit le mareschal, me meslant par desespoir au trauers des troupes ennemies; » et qu'en tout cela, il confessoit aussi auoir failly durant deux mois et demy que dura ceste colere, mais qu'elle ne l'emporta iamais si auant, qu'il eust pensé mal faire à son roy; qu'il auoit peché de la bouche, des aureilles et vn peu de la main avec la plume; mais que quand le roy ne voudroit lui remettre ceste faute, il n'estoit en la puissance des hommes de le condamner iustement pour cela, aduoüant bien toutefois auoir besoin de la misericorde de sa Maiesté; reiettant tousiours sur la Fin le subiect de ses offences; croyant que Dieu le punissoit infiniement, non pour autre chose sinon pour les execrables serments qu'il auoit faicts avec la Fin sur le Sainct Sacrement, et, en sa presence, de ne reueller iamais rien de ce qu'ils escriroient, feroient ou negotieroient ensemble.

Il dit aussi que s'estant dernierement confessé à Dijon au petit minime, luy disant sur ce propos qu'il voyait bien que la Fin estoit trompeur et qu'il diroit tout au roy, encore qu'ils eussent iuré ensemble, et que cela estant, il seroit perdu, « s'il le faict, il aura l'enfer, et vous le paradis,» dit le minime; et que depuis qu'il est prisonnier, M. l'archeuesque de Bourges l'a ouy én confession, et luy a releué ce scrupule et l'a voulu deliurer des serments qu'il auoit

faicts: toutes fois qu'il n'estimoit pas sa conscience si bien deschargee apres tant de serments, qu'il ne luy en restast encores quelques remords.

Au surplus, il aduoüa auoir eu grand deplaisir quand la paix se fit, et qu'il fit tous ses efforts pour faire continuër la guerre.

Il recognut aussi que la Fin, luy parlant vn iour, lors qu'il estoit deuant le fort de Saincte Catherine, luy estant sur la chaire persee, et luy disant : nous serons les deux grands bardeaux qui porterons la charge sur le dos, si les palissades ne nous empeschent dedans trois iours, que c'estoit vn enigme dont il n'entendoit que la dernière moictié; sçauoir, que si ceux de Saincte Catherine ne mettoient des palissades, ils seroient pris dedans trois iours; pour le reste qu'il ne l'entendoit pas mais quelques jours après la Fin luy dit que les deux grands bardeaux estoient eux deux, qui seroient les mulets pour porter le roy au fort pour l'y faire perdre ce qu'il trouva fort mauuais.

Après tout le discours, il supplia la cour de se souuenir que s'il auoit mal parlé, il auoit bien fait, et que ses paroles estoient formelles, parties d'vn esprit infiniement irrité, et d'ailleurs plein de fougues et de crainte; mais que ses effects estoient masles et aussi genereux qu'il y en eut au monde; que l'on eust esgard à la qua

lité de ses accusateurs qui estoient non complices de ce faict, mais vrays fauteurs et instigateurs. D'ailleurs, que la Fin estoit sorcier; qu'il auoit des images de cire parlantes; que Renazé auoit cent et cent fois contre faict son escriture, et que s'il falloit par dessus tout cela iuger ses demeristes, les iuges qui tenoient la balance deuoient en trouuant d'vn costé ses vaines et legeres paroles qui n'auoient rien esclos de mauuais, ietter les yeux de l'autre, pour y voir tant de signalez seruices rendus tant vtilement à cest Estat, et en temps si necessaire, que l'on eust eu peine de se passer de luy; et qu'il consentoit volontiers qu'on iugeast du costé qu'il peseroit le plus.

Au reste, quand tous seruices seroient enseuelis en la memoire des iuges pour n'auoir esgard qu'à ses fautes, que le roy les luy auoit pardonnees à Lyon, luy ayant dit plus d'vne fois qu'il auoit esté capable de tout ouyr, de tout dire et de tout faire sur le reffus dudit Bourg; le roy luy ayant dit ces mots : <<< Mareschal, ne te souuienne iamais de Bourg, et ie ne souuiendray iamais aussi de tout le passé. puis lequel temps qui sont vingt deux mois s'il se trouue qu'il ait dit ou fait chose quelconque contre le seruice du roy et de cest Estat, il est prest de souffrir toute punition; mesme qu'il y a au procez des lettres de luy qui monstrent que la naissance de M. le Dauphin a dissipé les nuës de son esprit et les vanitez passees.

» De

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Sur ce qu'on luy dist, que Hebert, son secretaire, auoit esté depuis quatre mois à Milan, que veu ses déportements passez s'estoit une preuue indubitable qu'il continuoit ses premiers desseins; il iura que ce voyage n'avait esté faict que pour achepter des étoffes, et y mener quatre ieunes gentils-hommes sortis de page qui desiroient

voir le monde.

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Ainsi, le mareschal, que l'on laissa parler tant qu'il voulut, entretint la Cour de discours et d'excuses, iusques sur les dix heures que l'on le fit retirer et remener à la Bastille , par le mesme chemin par lequel il auoit esté amené, où il ne cessa tout le samedy, dimanche et lundy ensuiuant, de racompter à ceux qui le gardoient, les interrogatoires que l'on luy auoit faictes et ce qu'il auoit respondu, et sembloit qu'il fust fort satisfaict en soy mesme de cest abouchement. Aucuns disent qu'il contrefaisoit M. le chancelier, imaginant ce qu'il pouuoit auoir dit apres qu'il fut party de la présence de la Cour : « Que c'estoit un homme seditieux qui auoit voulu troubler l'Estat, et qu'il falloit luy coupper la teste; » mais monsieur le chancelier ne parla iamais vn seul mot contre le mareschal, sinon à luy mesme et fut traicté ceste affaire avec le plus de retenue et de circonspection qu'il se pouuoit.

Le lundy 29, M. le chancelier retourna au Palais comme messieurs les iuges entroient, la comtesse de Roussy prioit pour

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