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mesures que pour Paris; mais ceux qui me font cette observation tombent dans une contradiction manifeste, car ils ont dit que cette insurrection était préparée contre la commission des Douze...

Bourdon, de l'Oise. C'est faux, c'est la commission des Douze qui nécessite cette mesure.

Guadet. Est-ce que l'on penserait que le comité des Douze, qui a été créé par la Convention, appartient à Paris? mais les lois au moins appartiennent à la République entière. C'est donc violer les droits de la République que d'établir une autorité qui est au-dessus de la loi : or, ceux-là ne sont-ils pas au-dessus de la loi qui ont fait sonner le tocsin, qui ont fait fermer les barrières, qui ont fait tirer le canon d'alarme... (Murmures.) malgré la loi qui prononce la peine de mort contre celui qui se permettra cet attentat contre la représentation nationale? (Murmures.) Je suis bien loin d'imputer aux sections de Paris cette infraction criminelle à la loi ; ce sont quelques scélérats. (Violens murmures dans une grande partie de l'assemblée.)

Plusieurs voix. Vous voulez perdre Paris... vous le calomniez. Guadet. L'ami de Paris, c'est moi; l'ennemi de Paris, c'est vous. (Mêmes murmures.) Je sais par qui a été formée cette chaîne de conspirations dont nous sommes environnés depuis six mois. Je sais de quels moyens on s'est servi pour porter les citoyens de Paris aux mouvemens désordonnés. Un décret porte que les assemblées des sections seront finies à dix heures. Les bons citoyens se sont retirés à cette heure, et les intrigans sont restés; ce sont ces intrigans, ces agitateurs par qui les pouvoirs de ces commissaires ont été donnés : les manoeuvres n'appartiennent qu'à une poignée d'agitateurs, de factieux. (Il continue de s'élever de violens murmures dans une grande partie de la salle. Plusieurs voix. L'impudent calomniateur ! -Guadet veut continuer. Les murmures d'improbation des tribunes l'interrompent.)

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Guadet. Je sais...

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Des cris à bas! à bas ! s'élèvent dans une partie de la salle.

.

Vergniaud. Je demande que les tribunes soient évacuées.

Le président. Je rappelle aux citoyens des tribunes que les murmures leur sont interdits.

Guadet. S'il est vrai qu'il y ait de grands dangers; s'il est vrai qu'un grand complot ait été formé, pourquoi ne vous donnet-on pas quelques renseignemens sur cette grande conspiration? D'ailleurs, citoyens, je vous le demande, fallait-il une insurrection?... (Plusieurs voix dans les tribunes. Oui, oui.)

Les membres de la partie droite sont dans une vive agitation. Le président. Je déclare, au nom de la Convention...

Une voix des tribunes. Au nom du peuple.

Camboulas. Je demande que la Convention se forme en comité général.

Cette proposition, appuyée par quelques membres, reste sans suite.

Le président. Je déclare, au nom de la loi, au nom de la Convention nationale, au nom du peuple français, que si les citoyens des tribunes n'ont pas pour la représentation nationale le respect qui leur est dû, je vous le dis fraternellement, j'userai de l'autorité qui m'est confiée pour que la Convention ne soit point avilie.

Guadet. Je le répète, fallait-il une insurrection pour mettre les propriétés sous la sauvegarde des républicains? Fallait-il une insurrection pour lever une armée dont on paie les soldats à quarante sous par jour? C'est là un véritable acte de législation.

Plusieurs voix. C'est l'exécution d'un décret.

Guadet. Faites attention qu'une autorité rivale ( Bentasolle : La commission des Douze.) s'élève autour de vous; si vous laissez subsister ce comité révolutionnaire, qui se permet de faire des lois... (De violens murmures couvrent la voix de l'orateur.) Je propose que la Convention décrète (Une voix : La suppression de la commission des Douze.) qu'elle ne délibérera sur aucun objet que sur celui de sa liberté.

T. XXVII.

Couthon. Guadet s'est trompé; il a voulu dire composer avec la liberté.

Guadet. La preuve que la Convention n'est pas libre, c'est qu'elle a lutté pendant trois heures pour faire accorder la parole à Rabaut.

N..... C'est qu'il n'est pas libre à qui que ce soit de perdre la patrie.

Guadet. Je demande que la Convention décrète qu'elle s'occupera avant tout d'assurer la liberté de ses délibérations.

Boussion. Président, faites régner l'ordre dans les tribunes. Plusieurs membres. Envoyez-y la force armée.

Guadet. Je demande que vous ajourniez toute discussion jusqu'à ce que vous sachiez par quel ordre les barrières ont été fermées, la circulation des postes a été interrompue, que les autorités légitimes soient réintégrées et les autres anéanties. Je propose, conformément à la motion de Bazire, que vous annuliez les mesures prises à l'égard de la municipalité.

Je propose, enfin, de charger la commission des Douze, si elle est maintenue, de rechercher ceux qui ont sonné le tocsin, arrêté la circulation des postes, fait tirer le canon d'alarme, et je demande que la commission fasse son rapport dans trois jours.

Une députation de la municipalité de Paris est introduite.

L'orateur. Le maire vous a rendu compte ce matin de la situation de Paris pendant la nuit. La députation qui nous a précédés ici, vous a rendu compte de quelques mesures, nous pouvons vous assurer que l'objet dont elle a entretenu la Convention n'était pas à sa connaissance.

Législateurs, dans ces momens de crise, la municipalité a cru qu'il serait très-avantageux d'établir une correspondance directe entre elle et la Convention: par là la municipalité sera instruite d'heure en heure des mesures prises par la Convention, et de même la Convention aura connaissance de l'état de Paris. Nous demandons que vous nous indiquiez un local où

les commissaires de la Commune pourront se réunir. (On applaudit.)

Fermont. Je convertis en motion la demande qui vous est faite par la municipalité de Paris, et je demande par amendement que dans ce comité soient tenus de se rendre des membres du conseil exécutif et de l'administration du département.

Cette proposition est adoptée.

Vergniaud. Dans les circonstances où nous nous trouvons, faut agir et non délibérer...

il

Plusieurs voix. Couthon a la parole. Est-ce que les Girondins ont le droit exclusif de parler?

Couthon. J'ai demandé la parole pour répondre à Guadet. J'ai été affecté plus que personne des mouvemens qui se sont manifestés dans les tribunes de la Convention; je sais qu'ils doivent être attribués à de vils stipendiés qui, d'accord avec la faction scélérate, veulent la dissolution de la Convention. Je voudrais que les citoyens des tribunes fussent invités à faire justice eux-mêmes des mauvais citoyens qui se sont glissés parmi eux et qu'ils les chassassent.

Je viens à la querelle que Guadet a faite aux sections de Paris d'avoir nommé des commissaires pour prendre des mesures révolutionnaires. Sans doute, il y a un mouvement dans Paris; mais Paris est louable d'avoir commis des magistrats pour le sauver : ainsi la querelle de Guadet est absolument déplacée. Il a fait à la commune de Paris le reproche d'avoir sonné le tocsin ; j'observe à cet égard que nous nous trouvons dans un moment de crise, et qu'elle est autorisée à prendre de semblables mesures, à la charge par elle d'en avertir la Convention; elle l'a fait; elle est donc irréprochable. Guadet a dit que la commune de Paris avait préparé l'insurrection; où est la preuve de cette insurrection? C'est insulter le peuple de Paris que de le dire en insurrection? S'il y a un mouvement, c'est votre commission qui l'a préparé; c'est cette faction criminelle qui, pour exécuter un grand complot, veut un grand mouvement; c'est elle qui veut animer les départemens contre Paris; c'est elle qui dit que la municipalité

de Paris fait des lois, qu'elle se montre la rivale de la Convention; cette faction veut, en répandant ces calomnies, allumer la guerre civile, donner les moyens à nos ennemis d'entrer en France et d'y proclamer un tyran.

Nous sommes disposés à faire les plus grands sacrifices, mais je sais qu'il y a une faction infernale qui retient dans l'erreur une partie d'entre nous. (On applaudit.) Il est instant que les hommes de bien étouffent les factions, et la liberté triomphera. (On applaudit.)

Rappelez-vous, citoyens, que la cour, cherchant toujours quelque nouveau moyen de perdre la liberté, inventa d'établir un comité central de juges de paix; ainsi la faction a fait créer une commission. Le comité des juges de paix fit arrêter Hébert ; la commission des Douze l'a fait arrêter aussi. Les juges de paix ne se bornèrent pas là ; ils lancèrent un mandat d'arrêt contre trois députés à la législature: lorsqu'ils virent que l'opinion publique les abandonnait, ils se hasardèrent à requérir la force armée; n'est-ce pas là ce qu'a fait la commission des Douze? (On applaudit dans une grande partie de l'assemblée et dans les tribunes.) Cette ressemblance est frappante, mais elle est réelle. (Mêmes applaudissemens.)

Que tous ceux qui veulent sauver la République se rallient; je ne suis ni de Marat, ni de Brissot; je suis à ma conscience. Que tous ceux qui ne sont que du parti de la liberté, se réunissent, et la liberté est sauvée. (Nouveaux applaudissemens.)

Je finis par cette observation. Guadet vous a dénoncé, comme attentatoire à votre autorité, la levée d'un corps de sans-culottes, par la municipalité de Paris; mais n'avez-vous pas décrété la levée d'une armée qui serait soldée par les riches? Lorsqu'on défendait encore le tyran renversé de son trône, on décréta une force départementale : un département s'empressa de lever un corps d'armée et de le solder avec les deniers du trésor public. Je vous dénonçai ce département, et Guadet le défendit. (On applaudit.)

Je propose que vous renvoyiez au comité de salut public toutes

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