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alliés, et qu'il vouloit traiter comme ses vassaux et ses tributaires.

Tous nos malheurs, toutes nos fausses démarches, qui les ont produits et aggravés, viennent surtout d'un sentiment de peur qui nous arme les uns contre les autres. C'est par peur qu'on obéit, qu'on se bat dans les lieux soumis à l'usurpateur; c'est par peur qu'on a traité avec lui dans les autres états, et qu'on a fermé les yeux sur ses agrandissemens successifs. La puissance de la peur, qui est en raison de son audace, bien différente du vrai courage, qu'il n'a jamais connu, fait toute sa force, dans son empire et chez l'étranger.

En France, les débris des factions comprimées se craignent mutuellement elles servent, par peur, le maître qui les immole à son ambition. Les juges de l'infortuné Louis XVI, tous les François qui ont trempé dans la révolution, soit avec des vues criminelles, soit par foiblesse, par lâcheté, par nécessité, soit de bonne foi, dans des intentions pures, nobles, généreuses, avec l'espérance de voir réformer les abus et d'obtenir un meilleur ordre de choses, craignent une réaction de vengeances dont ils seroient victimes. La nation entière craint de voir démembrer son territoire : elle croit voir, par ce seul motif, dans l'odieux artisan de ses

calamités, le protecteur nécessaire de son indépendance.

En Europe, plusieurs hommes d'état craignent la masse françoise, et laissent entrevoir le projet de la dissoudre; projet impolitique et barbare, qui, rendant aux François toute leur énergie nationale, et leur inspirant la résolution de périr jusqu'au dernier pour la défense et l'intégrité de leur patrie, fourniroit, par l'excès même de leur désespoir, de nouvelles. forces, et des moyens incalculables de résistance à l'ennemi commun.

les

Les cabinets se craignent eux-mêmes entre eux, et sont quelquefois prêts à céder aux intrigues secrètes employées pour les diviser. Il faut faire enfin cesser cette influence de la peur, qui rend les gouvernemens, les peuples, les individus soupçonneux, défians, ennemis, quand un seul intérêt, leur salut commun, doit les réunir. Il faut proclamer franchement les principes conservateurs qui doivent rallier toutes les opinions, dissiper toutes les craintes, fixer toutes les espérances. Il faut écarter les ténèbres dont une politique machiavélique et infernale travaille sans cesse à nous envelopper. Ce formidable génie, dont tout le secret est de promettre, de tromper, de trahir, de corrompre, de détruire; dont la

ruse égale et surpasse l'audace; dont l'idée complète et fidèle est exprimée par ces mots : sa tête, le chaos; son cœur, l'enfer (1), verra s'anéantir comme par enchantement sa puissance gigantesque, magique et empruntée, au moment où les nations pourront se regarder au grand jour.

L'état des choses est totalement changé par la marche des évènemens, par les fautes et les crimes du chef de la France, par le rapprochement et l'union salutaire des puissances européennes. Les guerres ont cessé d'être natio

(1) Sa tête est le chaos; dans son cœur est l'enfer : Tel est le demi-dieu de ce siècle de fer.

On avoit aussi fait, en 1812, ces deux vers prophétiques, applicables aux deux folles et déplorables expéditions d'Espagne et de Russie :

Au nord, comme au midi, perdant toujours la carte,
Ce grand Napoléon va tuer Bonaparte.

Enfin, on avoit exprimé, à la même époque, dans les quatre vers suivans, la déplorable situation de l'Europe et de la France, poussées par une aveugle fureur à se détruire mutuellement, au profit et par la volonté de leur ennemi commun:

J'ai vu l'Europe, en proie à d'horribles batailles,

Célébrer follement ses propres

J'ai vu,

funérailles

dans son délire, un peuple malheureux

S'immoler tout entier pour un fou furieux........

(Note de l'éditeur.)

et

nales du côté des François, qui servent contre leurs intérêts, contre leurs volontés. Elles ont commencé à devenir nationales du côté des rois coalisés, que l'Europe et la France ellemême implorent comme des libérateurs dont les sujets et les soldats sont excités et soutenus par le sentiment intime de la bonté de leur cause, d'une résistance légitime et sainte à une aggression injuste et impie; par la conviction qu'ils défendent leurs propriétés, leurs familles, leur patrie, leur indépendance, leur existence civile et politique, contre un con-quérant audacieux et avide, cruel et destruc

teur.

Les dangers et les maux publics, leur nature, leurs causes et leurs effets étant bien connus et appréciés, les remèdes sont faciles : quelques pages suffiront pour les indiquer,

II.

Aperçu des fautes commises par les différentes puissances (1).

Le tableau rapide des malheurs du continent, et des périls dont il est menacé, a dû

(1) Il n'est pas sans utilité de rappeler, au moins sommairement, les fautes commises par les différens

présenter en même temps une partie des fautes qui ont entraîné l'Europe dans l'abîme.Mais,

cabinets de l'Europe, pour bien prouver que la France ne mérite pas seule le reproche d'avoir favorisé la tyrannie de Buonaparte, et pour disposer tous les gouvernemens et tous les peuples à des sentimens d'indulgence ou plutôt de justice envers la nation françoise, puisqu'ils ont contribué, autant qu'elle, à fortifier, par leurs traités de paix, par leurs alliances, et par une condescendance docile à ses volontés, la puissance du dominateur.

On a jugé convenable d'emprunter les expressions déjà anciennes, et alors prophétiques, d'un écrivain politique estimé (Mallet du Pan), pour faire apprécier à leur juste valeur les fautes réelles des différentes puissances, et les conséquences que ces fautes ont entraînées.

Les reproches adressés à ces puissances acquièrent un caractère plus imposant et plus solennel, lorsqu'ils sont appuyés sur des extraits d'un ouvrage connu (le Mercure britannique), qui jouit depuis long-temps d'une réputation méritée. La réunion de ces extraits, ainsi reproduits, fera connoître que les principales vérités, d'où pouvoit dépendre le salut de l'Europe, si elles eussent été lues, méditées et appliquées par les rois et par leurs conseillers, étoient déjà publiques et consacrées par un défenseur intrépide des droits et des libertés des divers états qui composent la grande famille européenne.

L'ambition délirante, la folie et la fureur

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