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prisonniers signé à Landau, et qui portait cette inscription : Le roi de Prusse, à la république française. >

Le 11 juillet, Cambon, dans un rapport très-étendu, retraça l'état de la République au moment où le comité de salut public avait été créé ; il en exposa les principales opérations, et développa les rapports qui semblaient exister entre les puissances étrangères, et certains projets des conspirateurs de l'intérieur. Toute cette partie du travail de Cambon ne renferme aucun détail qui ne soit déjà connu de nos lecteurs. En terminant son discours, il instruisit la Convention d'un complot récemment découvert, et s'exprima ainsi : « Il y a quelques jours que les officiers civils d'une section de Paris sont venus dénoncer au comité de salut public, qu'il y avait un projet d'aller, le 15 juillet, enlever le fils de Capet, et le proclamer Louis XVII; que pour y parvenir, le général Dillon devait être à la tête de l'armée des conjurés, avec douze autres officiers généraux ; que les auteurs de ce projet étaient cinq personnes qui en avaient conversé avec Dillon; que ces cinq personnes se subdivisaient de manière qu'à chacune étaient attachés cinq conspirateurs subalternes; que par ce moyea on irait dans les sections, on s'y emparerait de la majorité, sous le prétexte de combattre les anarchistes, et de rétabiir l'ordre; qu'on était sûr de soixante personnes par section; que le premier moyen que les conjurés emploieraient serait d'enclouer le canon d'alarme, de s'emparer de ceux de chaque corps-de-garde, de venir sur la place de la Révolution; qu'ils viendraient ensuite sur la même place en prenant pour prétexte de ce rassemblement le premier recrutement qui se fera pour la Vendée; que de là ils se diviseraient en deux colonnes, l'une irait par les boulevards enlever le petit Capet, et l'autre viendrait ici vous forcer de le proclamer roi ; que Marie-Antoinette devait être proclamée régente pendant la minorité; que ceux qui auraient fait cette révolution formeraient sa garde privilégiée, qu'on leur donnerait des médailles avec un ruban blanc moiré, sur lesquelles seraient un aigle renversé, avec ces mots : A bas 18

T. XXVIII.

l'anarchie; Vive Louis XVII. Voilà le complot qui nous a été dénoncé par quatre personnes qui ont signé.

« Le même jour, notre collègue Couthon reçut d'un citoyen, à dix heures du soir, une dénonciation semblable; voilà donc deux dénonciations que nous avions sous les yeux; dès lors le comité de salut public ne regarda pas s'il était comité de sûreté générale; nous avons de suite fait chercher le général Dillon ; les dénonciateurs avaient indiqué par leur signalement deux autres personnes, comme devant être avec Dillon à la tête du complot. Le même jour, la municipalité de Paris les trouva; on les a interrogées; il est résulté que Dillon est convenu qu'on lui avait proposé de se mettre à la tête d'un complot pour combattre les anarchistes et abattre la Montagne, seconder les mouvemens des départemens; et donner le dessus à ce qu'on appelle honnêtes gens. On l'a interrogé sur les détails de ce complot, et ceux de la dénonciation se sont trouvés cadrer exactement avec ses réponses, hors l'aveu du projet de couronner Louis XVII; il a prétendu que la médaille ne devait contenir que les mots : A bas l'anarchie! Les deux autres personnes arrêtées ont tout nie; beaucoup d'autres personnes ont été entendues dans cette affaire, et ont donné des renseignemens qui ont confirmé les premières dénonciations. De suite le comité de salut public a cru qu'il devait prendre des mesures pour mettre en sûreté le fils de Louis Capet, et il a signé un ordre de séparation du fils et de la mère. Dès lors, une foule de calomnies ont plu sur lui: il les méprise. Le nouveau comité de salut public renverra sans doute au tribunal révolutionnaire les renseignemens que nous lui laissons. Voilà l'affaire pour laquelle nous avons lancé trois mandats d'arrêt.

Camille Desmoulins. « Il n'y a rien d'absurde comme la fable qu'on vient de débiter..... › (Il s'élève de violens murmures.)

Cambon. Après la découverte de cette première conspiration, on nous est venu dire que le général Miranda avait envoyé un courrier extraordinaire à Bordeaux, et qu'il avait dit qu'il allait lui-même s'y rendre. Nous ne vous cacherons pas que nous avons reçu une lettre de Mathieu et Treillhard, deux de vos

commissaires, que jusqu'ici on n'a pas encore rangés dans la classe des Maratistes, qui nous annonce que Bordeaux tient un peu au royalisme. Voyant donc cette dénonciation, nous avons requis la municipalité d'empêcher provisoirement le départ de Miranda; sans cela les dénonciateurs auraient pu prétendre que le comité etait dans le complot. Le maire de Paris l'a fait mettre en arrestation chez lui. »

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L'assemblée porta aussitôt le décret suivant: La Convention nationale, ouï le rapport de son comité de salut public, approuve la conduite qu'il a tenue en chargeant le maire de Paris d'éloigner Capet, détenu au Temple, de sa mère, et de mettre en état d'arrestation le général Arthur Dillon, Esprit-Boniface Castelane, Ernest Bucher dit l'Épinay, Edme Rameau, Louis Levasseur, sur la dénonciation qui lui a été faite d'un projet de conspiration pour rétablir la royauté.

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La Convention approuva aussi l'arrestation du général Miranda. Camille Desmoulins essaya d'obtenir la parole pour défendre Dillon, mais ce fut en vain. Je demande, s'écria Billaud-Varennes, qu'il ne soit pas permis à Camille de se déshonorer.

« Si Desmoulins veut devenir le défenseur officieux de Dillon, qu'il aille, dit Legendre, au tribunal révolutionnaire. » L'assemblée passa à l'ordre du jour.

Déjà la veille, Desmoulins avait eu une querelle dans la Convention au sujet de Dillon; il s'agissait de renouveler le comité de salut public. Desmoulins reprocha à ce comité de s'ériger en chambre haute, et rejeta sur lui tous les revers des armées, notamment la prise du camp de Famars. Bréard déclara que la haine de Camille pour le comité venait de ce qu'on n'avait pas, sur sa demande, confié le commandement de l'armée du Nord au général Arthur Dillon. Desmoulins entra à cet égard dans l'explication suivante : Au commencement de l'institution du comité de salut public, un de ses membres dit à Dillon vos talens militaires sont connus; mais votre patriotisme ne l'est pas de même ; faites un plan militaire, je le présenterai au comité, il en demandera l'auteur, je vous nommerai, et alors son opinion à

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votre égard changera. Dillon fit ce travail ; j'en fus enthousiasmé; le député à qui je le confiai en donna la lecture au comité où l'on avait convoqué tous les généraux. Tous dirent: mais vous avez donc dans votre comité des hommes bien instruits dans l'art militaire. Alors le membre qui lisait, au lieu de dire que le travail était de Dillon, s'en fit passer pour l'auteur; et, sur la surprise qu'on montra de ce qu'à son âge il avait combiné un plan aussi sage, il répondit, en se rengorgeant: Oui, cela n'est pas étonnant, dès mes plus jeunes ans, j'ai étudié Turenne et Montécuculli.-Le fait était vrai; ce membre était Delmas. Dans le cours de ce débat, des mots piquans avaient été échangés. Bréard avait dit: Camille Desmoulins s'absente fréquemment de l'assemblée, et ses liaisons les plus intimes sont avec des aristocrates. Lorsqu'on lui en fait le reproche, il répond ridiculement que c'est afin de connaître leur façon de penser et de les dévoiécolier parasler. A cela Desmoulins avait répondu, comme un seux, qu'il était souvent malade et qu'il apporterait, si on l'exigeait, un certificat du médecin.

La verve de Desmoulins fut excitée par l'humiliation qu'il venait d'endurer, et aussi par la nécessité, où il sentait bien qu'il était tombé, de faire absoudre sa conduite; il publia un pamphlet avec cette épigraphe : Le tailleur de Henri IV lui ayant parlé d'affaires, celui-ci dit qu'on allât chercher le chancelier pour lui prendre mesure d'un habit. C'était un propos insolent et d'un aristocrate. Il faut que le tailleur parle à son tour, à la section ou à la Convention; mais il ne faut pas qu'il fasse taire les autres. Et puisqu'on m'a ôté la parole, à moi mon écritoire.> Desmoulins ayant reçu une lettre de Dillon, datée de la prison de la mairie, le 8 juillet, il intitula sa brochure: RÉPONSE DE CAMILLE DESMOULINS A ARTHUR DILLON. Nous analyserons ici cet écrit dans lequel se trouvent des scènes piquantes de la vie intérieure du parti montaguard, et certaines épigrammes deve nues célèbres.

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Desmoulins commence ainsi, en s'adressant à Dillon : ‹ Afin de faire monter ma réponse par les airs et à travers les barreaux,

jusque dans votre chambre, j'ai recours à un moyen infaillible; c'est de faire crier dans les rues: Grande trahison découverte, el correspondance de Camille Desmoulins avec le général Dillon. Vous demanderez cette feuille qui, sans doute, ne vous sera pas refusée par notre excellent maire Pache; elle vous instruira de ce qui vient de se passer à votre sujet dans deux de nos séances, et offrira un nouveau point de vue de la Convention; ou plutôt, lorsque les journaux ne rendent que ce qui se passe sur le théâtre, elle vous montrera, ce qui est est bien plus important, ce qui se passe dans les coulisses et le jeu des machines.

« On a pu voir dans mon Histoire des Brissotins (1), que je ne m'inclinais pas d'admiration et de reconnaissance devant l'ancien comité de salut public. Il me vient une idée qui m'est suggérée par l'absurdité de l'accusation intentée contre vous. La véritable origine de la rigueur du comité à votre égard serait-elle dans une rote fort longue, qui était imprimée à la suite de l'histoire des Brissotins, que Robespierre m'a fait retrancher, mais qui aura transpiré, et qui indiquait que vous me faisiez des démonstrations de l'impéritie du comité? Quelqu'un vous aurait il joué le tour de vous dénoncer pour envoyer le démonstrateur au secret? Ce qui est certain, c'est que la mauvaise humeur de Bréard contre moi date de la publication de ce fragment historique, et de l'irrévérence avec laquelle je parlais, surtout dans cette note, du comité dont il était membre. Car, comme j'entrais dans la salle, chargé d'exemplaires que je distribuais à mes collègues, Bréard m'apostropha en ces termes : « Ce sont » des misérables comme vous et Marat qui, avec leurs écrits in» cendiaires, perdent la patrie. » C'est ainsi qu'il parlait de mon dernier écrit qui a été comme le manifeste de la sainte insurrection du 51 mai. Vous voilà bien furieux, lui répondis-je, › de ce que, dans mon histoire du côté droit, je me moque un › peu de votre comité! Parce que les Brissotins vous ont fait › président, à peu près comme Cromwell avait fait orateur l'im

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(4) Cette brochure a été insérée tout entière dans notre histoire du mois d'avril. (Note des auteurs.)

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