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ses affaires domestiques, afin de n'obéir qu'à son penchant oratoire, qui dégénérera en folie dès que la vérité toute nue dédaignera le costume des phrases. Les hommes ne tarderont point à parler, et les singes se tairont sous peu,

La raison pour laquelle je lui ai fait accepter les 50 liv. était fondée sur ce qu'il aurait besoin d'offrir quelques verres de vin à ses acolytes du faubourg, dans la crainte qu'ils ne tombassent dans l'assoupissement moral, faute d'un entregent bachique, Cet homme est, dans tous les cas, d'une grande utilité par son int fluence, et il est respectable par la pureté de ses intentions. Ne hasardez jamais de lui proposer l'entreprise d'une démarche qu'il n'aurait pas sentie, en lui laisant entrevoir un sort à la suite de son succès. M........ lui ayant fait sentir le besoin de cette garde, lui avait, je crois, présagé qu'il y aurait du commandement; eh bien! il a mal vu cet alléchement. Il s'ouvre entièrement à moi. Il en est de même de ce sapeur à large sabre, qui est concierge du Temple; enfin tout mon monde ne voit en moi qu'un ardent patriote, qui caresse et choie les défenseurs de la patrie, qui fait amitié à leurs enfans, et qui devine leurs besoins, leur prête, ou donne à l'enfant de quoi acheter un beau joujou, bien persuadé que le ménage en tirera un autre parti. Cela me procure des camarades respectueux et très-dévoués. Je vous préviens de tout ceci, afin qu'aucune clarté ne vous échappe au sujet de ma tàche.

J'amènerai Peuchon et les autres en faveur de la gardè : je connais les issues de leur intelligence. Allons doucement.

Ne serait-il pas à propos de faire traduire en espagnol quelques écrits patriotiques, et de les envoyer prècher la liberté dans ce pays d'esclavage, à l'aide des contrebandiers qui pullulent sur les limites des deux royaumes? Je m'en vais combattre autour de l'assemblée la horde désorganisatrice qui ne manquera pas de s'élever contre la pétition. La plupart sont des ex-commissaires revenus des départemens; je ne sais dans quelle intention on a choisi de pareils forcenés pour aller prêcher la paix dans la Ré

publique. Je frémis; ou leurs chefs étaient des scélérats ou des ignorans fanatiques. Oh! l'horreur! Que dira l'histoire? Bonjour, loyale concitoyenne : soyez tranquille; ça va.

Copie d'une lettre écrite par Gadol à la citoyenne Roland.

La journée d'hier fut très-orageuse : les partisans de Marat et les désorganisateurs essayèrent de mettre le feu et la flamme dans les faibles esprits que le dimanche faisait abonder autour de la salle. Nous avons suffoqué tout ce que nous avons pu, et la raison n'a pas été domptée. Il est heureux qu'on n'ait pas agité l'affaire du corps armé, car il s'en serait suivi un trouble fâcheux.

L'homme à la pétition, désespérant d'être admis à la barre, et s'étant fourré en tête que le parti Brissot entravait son admission, sortit plein d'une fureur écumante; il me trouve heureusement le premier : il me saisit; il s'exclame d'une manière effrayante contre ceux qu'il avait à défendre. Tous les partis sont ou criminels ou maladroits à ses yeux; il voit sa patrie perdue et moi, je vois un fou difficile à calmer; enfin, après quelques verres d'eau, il reprend ses sens, retourne à l'assemblée sur ma parole; il y est admis, et il en sort satisfait. Je vais l'aller voir ce matin.

Ne serait-il pas possible de soustraire l'assemblée à l'influence des tribunes, toujours composées de deux tiers de têtes salpêtrées? Il me semble n'y voir que des membres exaltés des sociétés fraternelles, jacobines, etc. C'est une masse de combustibles à la disposition des agitateurs adroits; aucune force armée ne lui en imposerait; le martyre semble être son vœu : que chacun rêve à un moyen; voici déjà le mien :

1° Qu'il soit distribué dans toutes les sections un nombre égal de cartes d'entrée; que ces cartes soient ensuite réparties par tour égal, à tous les citoyens, sauf par eux à y venir, ou à les donner à leur voisin qui désire y aller. Cette marche serait juste et sans réclamation fondée; elle rendrait toute coalition difficile, par le défaut de connaissance entre les arrivans à la tribune.

2° Qu'il soit fait une réserve de places affectées aux frères des départemens, par l'intermédiaire de leurs députés.

3° Une petite réserve pour les étrangers, etc.

Je ne vois aucun inconvénient à ce règlement, et je vois qu'il en résultera un motif de calme et de grande justice: au moins sera-t-on débarrassé de cette gale politique qui tourmente tout ce qui l'approche.

Cela fait, les agitateurs perdront l'espoir d'influencer dans la salle; leurs adhérens députés seront plus modestes; l'hiver écartera les groupes extérieurs ; et tout se fera paisiblement. Marat, Robespierre, etc., sont perdus dans les bons esprits: Danton sera assez fin pour les abandonner; semblable à la taupe, il a employé des voies couvertes: mais le temps le jettera au grand jour, le nez couvert de boue. Quels patriotes, grand Dieu!

La force armée aura lieu : elle est nécessaire à Paris où sont déposés les objets les plus précieux de la République; elle a donc le droit, et il est de sa prudence comme de son devoir d'y surveiller. Il suffira de ne pas paraître vouloir cette force à titre de garde spéciale de la Convention, mais à titre de garde conservatrice des individus et des choses appartenant à la masse de la République. Le garde-meuble a été volé, malgré la prétendue vigilance de nos clabaude urs: ce fait les tue quand je le leur oppose. J'espère être bientôt débarrassé de mon fastidieux rôle : il me répugne et me brouille avec les hommes. Oh les sots, les méchans! Ici c'est un ignorant entêté, là un cauteleux renard, ailleurs une tête boursoufflée d'une savante ignorance, et ce dernier est un ex-moine ou prêtre; l'autre, plein de bonne foi et d'érudition, veut un ordre de choses que la théorie approuverait, mais que la pratique démentirait; c'est un peintre qui crée des tableaux sans consulter la nature. Je vous assure, loyale concitoyenne, que le désir de seconder votre zèle, et de calmer les inquiétudes d'une ame aussi droite que la vôtre, me soutient seul dans ce moment-ci. Je verrais ma patrie d'un mauvais œil, si quelques êtres rares qu'elle possède ne venaient tempérer mon indignation. Quand je vous aurai apporté le rameau d'olivier, je

vous prierai, si faire se peut, de me faire procurer une mission pour aller traiter de nos intérêts chez l'étranger. Je parle des langues; vingt années d'instruction publique m'ont fait des amis zélés dans différens pays, surtout en Angleterre et en Espagne. J'ai l'habitude de voir les choses en masse comme en détail; je connais assez les fils qui meuvent la poupée humaine; je suis père de cinq enfans survivant à plusieurs autres, que mon excellente femme a nourris: voilà mes titres, et je défie à votre cœur, ainsi qu'à celui du patriarche, de ne pas me seconder. Après quelques années de service public, je me propose de me reposer à l'écart des humains, et de trouver mes dernières délices dans l'étude de la simple nature.

Copie de la lettre écrite à la citoyenne Roland, par Gadol.

Du 19 octobre 1792.

Je vis hier l'homme à la pétition; il tient à quelques tournures oratoires dont l'idée principale n'exprime rien. Nous devons nous rendre à dîner chez moi aujourd'hui, mon motif tend à obtenir de lui la suppression de mots, pour y substituer des choses analogues à la circonstance, que je connais parfaitement.

Le patriarche a tué ses ennemis par la loyauté de ses comptes, et Danton reste suspendu dans un doute décourageant pour ses amis; cet état de choses concentre la rage de ses aboyeurs ; mais cette rage ne cherche pas moins à se faire jour à la faveur d'une agitation quelconque, en se gardant bien, pour le moment, de laisser entrevoir la moindre nuance de partialité contre le patriarche. On s'occupe actuellement à épier ses fautes d'administration. On semble désespérer de le trouver en défaut du côté de la partie morale; mais on dirait qu'ils sont les maîtres de faire tomber ce Nestor dans des piéges, et il peut aisément les déjouer en mettant à la tête de tous ses bureaux, celui de ses chefs qui réunit à une philosophie soignée, une expérience réelle de l'homme dans ses rapports civils, et qui lui présente journellement le tableau fidèle de la partie du mécanisme social dont il est chargé,

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afin qu'il puisse d'une main sûre en régler les mouvemens. Il est en trop belle situation pour qu'il ait besoin d'écrire dans ce moment-ci : son compte a fortifié les rayons de sa probité. Je vois disparaître les nuages: laissons faire le temps; il ne lui reste qu'à bien tenir tous les fils de son administration, et à en régler l'exactitude d'après la pureté de son cœur.

Le seul cas pressant serait que mon pays fût éclairé dans la langue allemande sur l'importance de la révolution, par une feuille hebdomadaire; les pauvres villageois depuis Thionville jusqu'à Landau, sont froissés entre le fanatisme et l'aristocratie actuellement déguisée; ils marchent à travers d'anxieuses ténèbres : il est de la justice de les éclairer, et il est de leur droit de s'y attendre. Je suis sans cesse tourmenté par mes pauvres compatriotes pour avoir des renseignemens ; cela me coûte, me tourmente, et ne produit malheureusement qu'un effet local: c'est là où des traductions fidèles doivent porter l'évangile pur du patriarche.

J'ai parcouru la dévotion réfractaire : elle est encore stupéfaite et triple ses verroux; il en est de même de l'aristocratie nobiliaire. Nous n'avons d'ennemis enragés que les vociférans des sections et des groupes, la morgue des bourgeois huppés, le tout avivé par le parti anarchiste, qui attend son salut d'un mouvement; mais ils en auront tous menti: ça ira; vite un bon maire et une bonne municipalité! le beau temps pareil à celui d'hier me fatigue, à cause des groupes extérieurs. Il est si important d'intercepter les étincelles incendiaires au milieu d'un peuple crédule et tout-puissant qu'il faut se mettre en quatre pour y obvier.

Copie d'une lettre écrite à la citoyenne Roland, par Gadol.

18 octobre 1792.

Je suis si bien secondé par mes cinq collègues actuels dans la direction du vrai esprit public, que mes adversaires commencent à désespérer; les crieurs baissent le ton, et les rusés s'aper

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