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main, et même bienfaisant pour la société, puisqu'il tend à lui donner de l'énergie, à lui créer des vertus, en ne se refusant d'ailleurs à aucun de ses véritables besoins.

L'application de ce principe porte sur tous les détails des secours différens que la pauvreté réclame avec droit d'une Nation juste, et ces détails en font plus connoître encore la nécessité.

Ainsi, par exemple, dans l'assistance de l'enfance abandonnée, ce devoir si sacré, et tant commandé par la nature, ce devoir rendu au malheur sans ressource et sans tort, les services, complets sans doute, prévoyans, embrassans à-la-fois, et l'existence physique de l'enfant, et les moyens de faire de lui un citoyen heureux et utile à l'Etat doivent cependant être tels qu'ils n'engagent pas un grand nombre de mères à abandonner leurs enfans, à les confier à l'administration publique; car par-là ils provoqueroient un crime funeste à la société, et d'autant plus dangereux que la tendresse maternelle en seroit l'excuse.

Dans les moyens que doit la société au pauvre valide de subsister par le travail, les difficultés sont plus fortes encore; car si le travail lui est offert à chaque fois qu'il se présente et dans le lieu le plus prochain, et de la nature la plus facile, la société le dispense par-là de la nécessité de chercher lui-même à s'en procurer, et lui interdit pour ainsi dire, toute industrie; elle tombe en

lui donnant ainsi du travail dans l'inconvénient qu'elle vouloit éviter en se refusant aux secours gratuits, elle favorise la paresse, l'incurie, tandis qu'elle doit animer l'activité et la prévoyance ; si elle ne donne que des travaux inutiles, elle fait encore le mal d'autoriser la fainéantise, car l'homme travaille mal à un ouvrage dont l'inutilité lui est démontrée, et le mal encore de dépenser. sans avantage public les deniers communs; sans doute il se trouvera des momens où la nécessité contraindra de sortir de la rigueur exacte de çes principes; alors ces secours seront encore un bien et un devoir; ils vaudront toujours mieux que des secours sans travail; mais ces principes essentiels pour les mœurs, pour l'ordre public, pour la morale d'un Gouvernement n'en doivent pas moins être la règle habituellement suivie dans l'administration des secours ; c'est par cette raison que cette administration, dépendant à beaucoup d'égard de celle qui auroit pour objet les manufactures et l'agriculture, se trouve plus particulièrement liée à celle des travaux publics; car ainsi elle a le de distribuer l'ouvrage dans les temps où il est plus nécessaire, de le diviser, d'eu économiser la dépense toujours à l'avantage du pauvre et à celui de la société, et d'en avoir toujours à donner dans les momens où la nécessité en fait un indispensable devoir, et que l'on doit regarder comme des momens de calamité.

moyen

Enfin, la vieillesse pauvre elle-même qui, à tant de titres, appelle l'asstistance de la Société, doit cependant, en étant pourvue de l'exact nécesaire, être secourue de manière à ne pas favoriser l'imprévoyance, & par conséquent la dissipation et la débauche des ouvriers pendant leur vie. Le principe véritable d'assistance publique, seroit mieux suivi, en préparant des retraites commodes abondamment pourvues à celui qui, par quelque économie faite pendant sa vie de travail, pourroit fournir un prix très - inférieur aux avantages qu'il en tireroit, qu'en donnant même avec moins de dépense à l'homme qui n'a rien ménagé, une assistance au-delà du nécessaire.

Il faut sans cesse répéter que cette économie dans les secours qui est bien plutôt une précaution morale qu'une épargne financière, ne peut jamais porter à ne pas assister le vrai besoin : c'est un devoir impérieux, c'est un devoir commandé par le droit naturel à la Société, et auquel elle ne peut jamais manquer; mais ce principe d'économie doit porter à n'assister que le vrai besoin, et à faire tourner le secours au profit des mœurs, et de l'utilité générale. S'il s'agissoit de doubler la dépense pour secourir la misère absolue, sans doute il ne faudroit pas hésiter, mais il faudroit l'augmenter encore pour détourner et prévenir les vices et les crimes, qui n'ont aucune cause aussi certaine que la fainéantise et la débauche; c'est

en les combattant, qu'un Etat peut espérer de détruire la mendicité, ce fléau destructeur de la Société, ce vice d'autant plus dangereux qu'il se perpétue de race en race, qu'il se multiplie par l'exemple, et que sa pratique est souvent plus utile au fainéant qui s'y livre, que le travail ne l'est à l'homme honnête qui s'y dévoue, comme c'est en assistant la véritable indigence, en s'occupant de la prévenir, que rendant la mendicité un délit social l'état a seulement alors le droit de la réprimer.

Tels sont, Messieurs, les principes généraux que le Comité de mendicité a cru les seuls a suivre en remplissant le grand devoir de secourir la classe indigente, et qu'il a pris en conséquence pour base du travail dont vous avez daigné le charger; il a cru devoir faire précéder de leur exposition les différens rapports que successivement il met

tra sous vos yeux.

Il résultera sans doute de leur exacte exécution, que quelques hommes seront moins abondamment secourus qu'ils ne l'étoient par le systême partiel et arbitraire, auquel cette grande législation va succéder; mais tous les malheureux recevront des secours au plus grand avantage de la société et ces secours seront tous distribués dans des vues de justice et de morale. Sans doute encore il sera fait à ce systême général, le reproche de ne destiner aucune assistance aux pauvres connus géné

ralement sous le nom de pauvres honteux; mais fi on veut réflechir que l'inégalité nécessaire de fortune, de travail et de force, opere nécessairement le besoin dans quelques individus, on sentira que l'homme honnête ne peut jamais rongir du malheur qu'il ne peut se reprocher, mais craindre toujours les effets dangereux de la misère; on reconnoîtra que la législation ne peut sans inconvénient autoriser dans l'indigence, ces sentimens de foiblesse, que les secours qu'elle lui attribueroit auroient des conséquencrs funestes à plus d'un égard au bon ordre de la société; enfin on sera convaincu que les deniers publics pour être distribués sans reproche doivent l'être avec publicité. L'exécution de ce principe pourra paroître sevère elle affligera plus d'une fois le cœur de ceux qui en seront chargés; mais la législation d'un empire ne peut être fondée sur des sentimens ni même sur des vertus privées, elle doit l'être sur des principes généraux, immuables, et ceux-ci sont d'une justice exac te etnécessaire et d'une saine morale. Dailleurs le champ de la bienfaisance restera toujours ouvert, soit aux particuliers soit aux associations qui voudront par de secours de suplement, augmenter le bien être des malheureux de telle ou telle classe, de tel ou de tel pays; la législation doit autoriser, encourager même cette généreuse libéralité ; elle est l'un des caractères essentiels de la Nation Françoise, elle ne peut

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