Russes, les atteignit à Eylau, leur livra, quoique mourante de froid et de faim, une bataille sanglante, revint après cette bataille dans ses quartiers, et là campée de nouveau sur la neige, de manière que son repos seul couvrait un grand siége, nourrie, recrutée pendant un long hiver à des distances où toute administration succombe, reprit les armes au printemps, et cette fois, la nature aidant le génie, se plaça entre les Russes et leur base d'opération, les réduisit, pour regagner Kænigsberg, à passer une rivière devant elle, les y précipita à Friedland, termina ainsi par une victoire immortelle, et aux bords mêmes du Niémen, la course la plus longue, la plus audacieuse, non à travers la Perse ou l'Inde sans défense, comme l'armée d'Alexandre, mais à travers l'Europe couverte de soldats aussi disciplinés que braves, voilà ce qui est sans exemple dans l'histoire des siècles, voilà ce qui est digne de l'éternelle admiration des hommes, voilà ce qui réunit toutes les qualités, la promptitude et la lenteur, l'audace et la sagesse, l'art des combats et l'art des marches, le génie de la guerre et celui de l'administration, et ces choses si diverses, si rarement unies, toujours à propos, toujours au moment où il les faut, pour assurer le succès! Chacun se demandera comment on pouvait déployer tant de prudence dans la guerre, si peu dans la politique! Et la réponse sera facile, c'est que Napoléon fit la guerre avec son génie, la politique avec ses passions.
Nous ajouterons toutefois, en finissant, que l'édifice colossal élevé à Tilsit aurait duré peut-être, si
de nouveaux poids accumulés bientôt sur ses fondements déjà si chargés, n'étaient venus précipiter sa ruine. La fortune de la France, quoique compromise à Tilsit, n'était donc point inévitablement perdue, et sa gloire était immense.
FIN DU LIVRE VINGT-SEPTIÈME
Situation de l'Empire français au moment de la guerre de Prusse. - Affaires de Naples, de la Dalmatie et de la Hollande. Moyens de défense préparés par Napoléon pour le cas d'une coalition gé- nérale. - Plan de campagne. - Napoléon quitte Paris et se rend à Wurzbourg. - La cour de Prusse se transporte aussi à l'armée. - Le roi, la reine, le prince Louis, le duc de Brunswick, le prince de Hohenlohe. - Premières opérations militaires. - Com- bats de Schleitz et de Saalfeld. - Mort du prince Louis. - Dés- ordre d'esprit dans l'état-major prussien. Le duc de Brunswick prend le parti de se retirer sur l'Elbe, en se couvrant de la Saale. Promptitude de Napoléon à occuper les défilés de la Saale. Mémorables batailles d'Iéna et d'Awerstaedt. - Déroute et désor- ganisation de l'armée prussienne. - Capitulation d'Erfurt. Le corps de réserve du prince de Wurtemberg surpris et battu à Halle.
Retraite divergente et précipitée du duc de Weimar, du gé- néral Blucher, du prince de Hohenlohe, du maréchal Kalkreuth. Marche offensive de Napoléon. - Occupation de Leipzig, de Wit- tenberg, de Dessau. Passage de l'Elbe. Investissement de Magdebourg. - Entrée triomphale de Napoléon à Berlin. - Ses dis- positions à l'égard des Prussiens. Grâce accordée au prince de Hatzfeld. - Occupation de la ligne de l'Oder. - Poursuite des débris de l'armée prussienne par la cavalerie de Murat et par l'infanterie des maréchaux Lannes, Soult et Bernadotte. - Capitulation de Prenzlow et de Lubeck. - Reddition des places de Magdebourg, Stettin et Custrin. - Napoléon maître en un mois de toute la monar- chie prussienne.
Effet que produisent en Europe les victoires de Napoléon sur la Prusse. A quelle cause on attribue les exploits des Français. — Ordon- nance du roi Frédéric-Guillaume tendant à effacer les distinctions de naissance dans l'armée prussienne. Napoléon décrète la con- struction du temple de la Madeleine, et donne le nom d'Iéna au pont jeté vis-à-vis de l'École militaire. Pensées qu'il conçoit à Berlin dans l'ivresse de ses triomphes. — L'idée de VAINCRE LA MER PAR LA TERRE se systématise dans son esprit, et il répond au blo- cus maritime par le blocus continental. Décrets de Berlin. Résolution de pousser la guerre au nord jusqu'à la soumission du continent tout entier. Projet de marcher sur la Vistule, et de soulever la Pologne. Affluence des Polonais auprès de Napo- léon. Ombrages inspirés à Vienne par l'idée de reconstituer la Pologne. Napoléon offre à l'Autriche la Silésie en échange des Gallicies. Refus et haine cachée de la cour de Vienne. - Pré- cautions de Napoléon contre cette cour. — - L'Orient mêlé à la que- relle de l'Occident. La Turquie et le sultan Selim. - Napoléon envoie le général Sébastiani à Constantinople pour engager les Turcs à faire la guerre aux Russes. Déposition des hospodars Ipsilanti et Maruzzi. - Le général russe Michelson marche sur les provinces du Danube. - Napoléon proportionne ses moyens à la grandeur de ses projets. — Appel en 1806 de la conscription de 1807. - Emploi des nouvelles levées. Organisation en régiments de marche des renforts destinés à la grande armée. - Nouveaux corps tirés de France et d'Italie. Mise sur le pied de guerre de l'armée d'Italie. · Développement donné à la cavalerie. — Moyens financiers créés avec les ressources de la Prusse. Napoléon n'ayant pu s'en- tendre avec le roi Frédéric-Guillaume sur les conditions d'un armis- tice, dirige son armée sur la Pologne. Murat, Davout, Augereau, Lannes, marchent sur la Vistule à la tête de quatre-vingt mille hom- Napoléon les suit avec une armée de même force, com- posée des corps des maréchaux Soult, Bernadotte, Ney, de la garde et des réserves. - Entrée des Français en Pologne. Aspect du sol et du ciel. Enthousiasme des Polonais pour les Français. - Condi- tions mises par Napoléon à la reconstitution de la Pologne. - Esprit de la haute noblesse polonaise. - Entrée de Murat et de Davout à Posen et à Varsovie. - Napoléon vient s'établir à Posen. Occupation de Ja Vistule, depuis Varsovie jusqu'à Thorn. — Les Russes, joints aux débris de l'armée prussienne, occupent les bords de la Narew. Napoléon veut les rejeter sur la Prégel, afin d'hiverner plus tranquil- lement sur la Vistule. - Belles combinaisons pour accabler les Prus-
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siens et les Russes. - Combats de Czarnowo, de Golymin, de Soldau. Bataille de Pultusk. Les Russes, rejetés au delà de la Narew avec grande perte, ne peuvent être poursuivis à cause de l'état des routes. Embarras des vainqueurs et des vaincus enfoncés dans les boues de la Pologne. - Napoléon s'établit en avant de la Vistule, entre le Bug, la Narew, l'Orezyc et l'Ukra. - Il place le corps du maréchal Bernadotte à Elbing, en avant de la basse Vistule, et forme un dixième corps sous le maréchal Lefebvre, pour commencer le siége de Dantzig. Admirable prévoyance pour l'approvisionnement et la sûreté de ses quartiers d'hiver. Travaux de Praga, de Mod- lin, de Sierock. État matériel et moral de l'armée française. Gaieté des soldats au milieu d'un pays nouveau pour eux. prince Jérôme et le général Vandamme, à la tête des auxiliaires allemands, assiégent les places de la Silésie. Courte joie à Vienne, où l'on croit un moment aux succès des Russes. Une plus exacte appréciation des faits ramène la cour de Vienne à sa réserve ordi- naire. Le général Benningsen, devenu général en chef de l'armée russe, veut reprendre les hostilités en plein hiver, et marche sur les cantonnements de l'armée française en suivant le littoral de la Balti- que. - Il est découvert par le maréchal Ney, qui donne l'éveil à tous les corps. - Beau combat du maréchal Bernadotte à Mohrungen. - Savante combinaison de Napoléon pour jeter les Russes à la mer. Cette combinaison est révélée à l'ennemi par la faute d'un officier qui se laisse enlever ses dépêches. Les Russes se retirent à temps.
Napoléon les poursuit à outrance. - Combats de Waltersdorf et de Hoff. - Les Russes, ne pouvant fuir plus longtemps, s'arrêtent à Eylau, résolus à livrer bataille. L'armée française, mourant de faim et réduite d'un tiers par les marches, aborde l'armée russe, et lui livre à Eylau une bataille sanglante. - Sang-froid et énergie de Napoléon. Conduite héroïque de la cavalerie française. - L'armée russe se retire presque détruite; mais l'armée française, de son côté, a essuyé des pertes cruelles. Le corps d'Augereau est si maltraité qu'il faut le dissoudre. - Napoléon poursuit les Russes jusqu'à Kœ- nigsberg, et, quand il s'est assuré de leur retraite au delà de la Prégel, reprend sa position sur la Vistule. Changement apporté à l'emplacement de ses quartiers. Il quitte la haute Vistule pour s'établir en avant de la basse Vistule, et derrière la Passarge, afin de mieux couvrir le siége de Dantzig. Redoublement de soins pour le ravitaillement de ses quartiers d'hiver. Napoléon, établi à Os- terode dans une espèce de grange, emploie son hiver à nourrir son armée, à la recruter, à administrer l'Empire, et à contenir l'Europe. - Tranquillité d'esprit, et incroyable variété des occupations de Napoléon à Osterode et à Finkenstein. 207 à 432
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